Interview
Maison d'Edition
Les éditions Sémaphore
interview par Christine (Aupaysdesbooks)
Aujourd'hui j'emprunte la passerelle qui m'emporte au Québec. M'accompagnez-vous ? Les Editions Sémaphore ont été fondées en 2003, à Montréal.
Comment envisage-t-on la littérature et quelle est la politique éditoriale en oeuvre sur les bords du St-Laurent ?
Je vous emmène à la rencontre de Madame Lise Demers éditrice...
1) La maison d'édition Sémaphore a été fondée en 2003, que retenez-vous de ces seize dernières années d'expérience et, fort ce celle-ci, quels sont vos projets ?
La mission de Sémaphore est depuis ses débuts de publier des textes littéraires avec une densité de propos et des connotations sociales, éthiques, politiques ou philosophiques. En somme, dire autrement la société et la vie, sans faire la morale. Par conséquent, depuis seize ans, nous publions des textes qui sortent des tendances et des modes. C’est un projet exaltant, parfois difficile, mais toujours passionnant. Comme tous les secteurs culturels, la littérature est soumise aux dictats du goût du jour, voire de la saveur du mois. Malgré une croissance marquée et encourageante du lectorat québécois, et malgré l’émergence de plusieurs éditeurs indépendants au Québec dans la dernière décennie, force est de constater une certaine homogénéité dans l’offre et la demande littéraire : l’audacieux est maintenant tendance, les sujets potentiellement percutants viennent et vont par vague, toujours servis dans le même enrobage. Le rayonnement médiatique des œuvres et des éditeurs qui répondent à la mode en cours s’en trouve fatalement décuplé, au détriment du reste. Dans ce contexte, nous croyons autant, sinon plus, à la pertinence de notre mission d’assurer la diversité des propos et des plumes de qualité, et de faire place aux voix nouvelles. Nous avons déjà un bassin de lecteurs et d’agents du milieu du livre curieux et prêts à faire des découvertes surprenantes. Depuis les deux dernières années, nous déployons nos efforts pour attirer l’attention de lecteurs nouveaux, parfois intimidés — à tort — par notre signature littéraire, entre autres sur les réseaux sociaux et sur les médias marginaux.
2) Les éditeurs québécois sont réputés beaucoup moins frileux que leurs homologues français lorsqu'il s’agit de publier un premier roman, leur politique éditoriale semble également plus ouverte. Cela correspond-il à la réalité ?
Il y a effectivement eu un soubresaut dans le monde littéraire québécois ces dernières années. Cette effervescence a permis d’entendre de nouvelles voix, de combler un vide dans le paysage littéraire québécois. Cela dit, nous constatons le même phénomène partout en Europe : beaucoup de jeunes maisons d’édition sur le Vieux Continent se sont donné pour mission de casser les moules, de sortir la littérature franco-européenne du convenu. La réputation des éditeurs québécois tient peut-être du fait que le marché littéraire (lire éditorial) français est engorgé d’œuvres de maisons d’édition bien établies, rentables, et ce, depuis très longtemps, ce qui laisse peu de place aux nouveaux joueurs qui n’ont pas le même appareil financier ou médiatique pour soutenir leur souffle nouveau. Nous avons au Québec aussi de ces institutions qui, en raison de leur notoriété, conserve une place enviable dans le monde du livre, mais jusqu’à très dernièrement, il restait encore beaucoup d’espace pour de nouveaux éditeurs, de nouveaux souffles... et de nouveaux lecteurs. Depuis nos débuts, nous publions chaque année des primoromanciers, jeunes comme moins jeunes. Les éditions Sémaphore sont d’ailleurs connues pour être un « vivier » de voix nouvelles. Vu la reconnaissance acquise pour ce volet de notre mission, nous pouvons dire, sans trop nous tromper, qu’au Québec, l’originalité est une qualité fort appréciée du milieu littéraire, même si la tendance vers l’uniformité de l’offre se fait de plus en plus sentir.
3)Votre maison d'édition est large d'un choix multiple de romans, essais, nouvelles. Votre but était d'élargir le corpus littéraire national au Canada. Pouvez-vous dire aujourd'hui que le pari est atteint ? Comment ce corpus national s'inscrit-il dans la littérature francophone ? Nous entendions élargir le corpus littéraire québécois. Ce faisant, nous contribuions à l’élargissement du corpus canadien. De plus, nos livres sont bien accueillis en Europe, notamment en Suisse où plusieurs romans et recueils de nouvelles de nos auteurs sont à l’étude. Nous croyons avoir atteint cet objectif de sortir la littérature québécoise des sentiers battus et de contribuer à la vivacité du livre au Québec et à l’élargissement du rayonnement de la littérature québécoise à l’étranger. Lorsque les Éditions Sémaphore ont été fondées, d’autres nouveaux éditeurs québécois se sont également lancés dans l’aventure et nous avons vu, peu à peu, nos publications comme celles de nos collègues percer le marché européen. Cependant, nous regrettons qu’en France, la notoriété et la reconnaissance du talent de certains auteurs québécois n’ont été acquises qu’une fois les droits de leurs textes, déjà publiés par une maison québécoise, furent rachetés par des éditeurs français et les livres publiés sous une nouvelle enseigne française. Nous comprenons la volonté de nos collègues de chercher à assurer la plus grande diffusion possible à leurs auteurs. Cela dit, nous trouvons extrêmement dommage que cela se fasse au détriment de « l’acceptabilité » des éditeurs québécois.
4)Le journal des blogs littéraires est géré par une blogueuse, que pensez-vous du rôle des blogs littéraires dans la littérature ?
Les blogues littéraires remplissent progressivement le vide que laissent les médias traditionnels, qui font preuve de désintérêt envers la littérature. Depuis quelques années, la liste de blogueurs littéraires s’allonge au Québec, et nous avons vu les publications passer du simple commentaire destiné à un cercle d’intimes à des recensions qui n’ont rien à envier aux chroniqueurs culturels professionnels. Qu’elles soient plus près de l’appréciation personnelle ou de l’analyse littéraire, les publications des blogueurs littéraires ont manifestement dynamisé le milieu du livre, et leur influence ne fait plus aucun doute. D’ailleurs, nombre de blogueurs se trouvent sur notre liste permanente de services de presse, alors que le nombre de critiques littéraires professionnels diminue au fil des coupes budgétaires des médias traditionnels.
5)Le journal des blogues littéraires tente modestement de créer des passerelles entre maison d'édition, auteurs, blogueurs et lecteurs.
Que pensez-vous de cette initiative ?
Le monde du livre change beaucoup, la tâche de diffusion des éditeurs est de plus en plus difficile, la viabilité des petites librairies de quartier est constamment menacée malgré certaines initiatives très astucieuses et couronnées de succès, les médias traditionnels destinés au grand public laissent de moins en moins de place à la littérature, bref les passerelles de communication se perdent... et se recréent, grâce aux médias sociaux, à des amoureux de la langue, à des lecteurs assidus et des chroniqueurs qui prennent le relais hors des circuits établis. Le monde du livre change, certes, mais un journal comme le vôtre est de ces initiatives qui permettent de conserver les liens vivants entre les divers acteurs du livre, et de permettre aux lecteurs de trouver ces livres qui ne recueillent pas les suffrages des médias, mais qui valent la peine d’être lus.
Le site de la maison d'édition c'est par ici
Merci beaucoup à Madame Lise Demers éditrice aux éditions Sémaphore qui a accepté de répondre à mes questions.