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Le  Romantisme

Le mouvement romantique apparaît en Allemagne à la fin du 18ème Siècle et en France au début du 19ème Siècle.

Il prétend libérer l’imagination en parlant de soi allié à la nature et à l’amour.

 

Et avant ?

Auparavant la littérature se trouvait dans le siècle des lumières, la philosophie argumentait qu’il était important de sortir des préjugés et de l’intolérance. Selon les philosophes les hommes devaient évoluer vers le bonheur, la liberté et le savoir. On dénonce, on défend.

« Apprends et sache » c’est ça la liberté et le bonheur.

Qui le dit ?

Rousseau : Il n'y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat.

Voltaire : Il n'y a point de hasard ; tout est épreuve, ou punition, ou récompense, ou prévoyance.

Diderot : Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres.

On révolutionne les idées, chacun est libre et a le droit d’être heureux.

La femme  en moi se dit : Ils sont libres, savent, apprennent et sont heureux. Que veulent-ils alors dans la littérature, oui le courant change, les idées évoluent.

 

Qui commence ?

Rousseau : Et puis, Les petites privations s'endurent sans peine, quand le cœur est mieux traité que le corps.

Faut-il s'étonner si j'aime la solitude? Je ne vois qu'animosité sur les visages des hommes, et la nature me rit toujours.

Seul pour le reste de ma vie, puisque je ne trouve qu'en moi la consolation, l'espérance et la paix, je ne dois ni ne veux plus m'occuper que de moi.

Les Rêveries du promeneur solitaire (1776-1778, édition posthume 1782)

François-René de Chateaubriand dans Mémoires d'outre-tombe (1848) :

Néanmoins les hommes, durant leur apparition éphémère sur ce globe, se persuadent qu'ils laissent d'eux quelque trace.

 

C’est alors que la poésie prend place :

Vous surtout que je plains si vous n'êtes chéries,

Vous surtout qui souffrez, je vous prends pour mes sœurs :

C'est à vous qu'elles vont, mes lentes rêveries,

Et de mes pleurs chantés les amères douceurs.

Marceline Desbordes-Valmore , Élégies et Romances (1819)

 

L’incontournable Victor Hugo s’y inscrit :

Je t'aime comme un être au-dessus de ma vie,

Comme une antique aïeule aux prévoyants discours,

Comme une sœur craintive, à mes maux asservie,

Comme un dernier enfant, qu'on a dans ses vieux jours!

Odes et Ballades (1826)

 

Que reste-t-il de la vie,

Excepté d'avoir aimé?

Les Voix intérieures (1837)

 

Quelle âme est sans faiblesse et sans accablements? Enfants! résignons-nous et suivons notre route. Tout corps traîne son ombre et tout esprit son doute.

Ibid

 

Et il y a les incontournables :

 

 

Alfred de Musset : Ecrivain dans la poésie, le roman ou encore le théâtre, Alfred de Musset écrit en partageant les mots de la sensibilité, l’effervescence mais aussi la souffrance:

 

Quoi! tu n'as pas d'étoile et tu vas sur la mer,

Au combat sans musique, en voyage sans livre;

Quoi! tu n'as pas d'amour et tu parles de vivre!

Moi, pour un peu d'amour je donnerais mes jours.

A quoi rêvent les jeunes filles (1832)

 

Malheur à celui qui, au milieu de la jeunesse, s'abandonne à un amour sans espoir. Malheur à celui qui se livre à une douce rêverie, avant de savoir où sa chimère le mène, et s'il peut être payé de retour.

Les Caprices de Marianne (1833)

 

 

C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.

Orgueil, le plus fatal des conseillers humains, qu'es-tu venu faire entre cette fille et moi?

On ne badine pas avec l'amour (1834)

 

Partout où, sous ces vastes cieux,

J'ai lassé mon cœur et mes yeux,

Saignant d'une éternelle plaie ;

Partout où le boiteux Ennui,

Traînant ma fatigue après lui,

M'a promené sur une claie ;

 

Le ciel m'a confié ton coeur.

Quand tu seras dans la douleur,

Viens à moi sans inquiétude.

Je te suivrai sur le chemin ;

Mais je ne puis toucher ta main,

Ami, je suis la Solitude.

La Nuit de décembre  (1835)

 

Alphonse de Lamartine écrit l’amour en découvrant l’amour. Il écrit aussi le chagrin en le vivant aussi.

 

De colline en colline en vain portant ma vue,

Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,

Je parcours tous les points de l'immense étendue,

Et je dis : Nulle part le bonheur ne m'attend.

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,

Vains objets dont pour moi le charme est envolé;

Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.

Méditations poétiques (1820)

 

la pensée qu’on allait me la prendre pour la donner tout à coup à un autre ; que, de ma compagne et de ma sœur qu’elle était à présent, elle allait me devenir étrangère et indifférente ; qu’elle ne serait plus là ; que je ne la verrais plus à toute heure, que je n’entendrais plus sa voix m’appeler ; que je ne lirais plus dans ses yeux ce rayon toujours levé sur moi de lumière caressante et de tendresse, qui m’éclairait doucement le cœur et qui me rappelait ma mère et mes sœurs ; le vide et la nuit profonde que je me figurais tout à coup autour de moi, là, le lendemain du jour où son mari l’aurait emmenée dans une autre maison ; cette chambre où elle ne dormirait plus ; la mienne où elle n’entrerait plus ;cette table où je ne la verrais plus assise ; cette terrasse où je n’entendrais plus le bruit de ses pieds nus ou de sa voix le matin à mon réveil ; ces églises où je ne la conduirais plus les dimanches ; cette barque où sa place resterait vide, et où je ne causerais plus qu’avec le vent et les flots ; les images pressées de toutes ces douces habitudes de notre vie passée, qui me remontaient à la fois dans la pensée et qui s’évanouissaient tout à coup pour me laisser comme dans un abîme de solitude et de néant ; tout cela me fit sentir pour la première fois ce qu’était pour moi la société de cette jeune fille et me montra trop qu’amour ou amitié, le sentiment qui m’attachait à elle était plus fort que je ne le croyais, et que le charme, inconnu à moi-même, de ma vie sauvage à Naples ce n’était ni la mer ni la barque, ni l’humble chambre de la maison, ni le pêcheur, ni sa femme, ni Beppo, ni les enfants, c’était un seul être, et que, cet être disparu de la maison, tout disparaissait à la fois. Elle de moins dans ma vie présente, et il n’y avait plus rien.

Graziella(1852)

 

Alfred de Vigny explique par la pensée. Il y a une explication à tout. Mais certainement dans le sens de l’imaginer, de la chercher, de critiquer ou de dénoncer.

 

Amis, qu'est-ce qu'une grande vie, sinon une pensée de la jeunesse exécutée par l'âge mûr ? La jeunesse regarde fixement l'avenir avec son œil d'aigle, y trace un large plan, y jette une pierre fondamentale ; et tout ce que peut faire notre existence entière, c'est d'approcher de ce premier dessein. Ah ! quand pourraient naître les grands projets, sinon lorsque le cœur bat fortement dans la poitrine ? L'esprit n'y suffirait pas, il n'est rien qu'un instrument.

Cinq-Mars (1826)

 

Rien n'occupera plus vos cœurs désenchantés,

Que des rêves d'amour bien vite épouvantés,

Et le regret lointain de ces fraîches années

Qu'un souffle a fait mourir, en moins de temps fanées...

Poèmes antiques et modernes (1826)

 

Me voici devant vous, ô belle entre les belles!

Qu'importent les dangers? que sont les nuits cruelles

Quand du palmier d'amour le fruit va se cueillir,

Quand sous mes doigts tremblants je le sens tressaillir?

Poèmes antiques et modernes (1826), La femme adultère.

 

 

 

Comment se trouve le romantisme ?

Pris de liberté, de connaissance, de réflexion et d’un lourd passé littéraire. Le romantisme se déclare dans la perception de la solitude, du sentiment mais d’abord le sien. Le manque, l’intimité, l’amour, l’absence  ou l’isolement. Rêver et partager son envie, son entourage, ses lieux.

 

Comment évolue-t-il ?

Il évolue avec l’histoire littéraire. Embarqué dans les courants du drame, de la poésie, du réalisme, le naturalisme ou le symbolisme, il évolue dans les temps modernes.

 

Et le voilà dans le roman du 20ème Siècle.

Proust,  Gide, Bernanos, Giono, Malraux, Aragon, etc.

 

Le roman rend vivant les personnages, le lecteur doit voyager dans l’histoire. La lecture n’est plus un partage d’idées ou de sensations, elle est une introduction dans un contexte avec des personnages que l’on rend vivant, un milieu que l’on imagine.

 

Le regret est un amplificateur du désir.

 Albertine disparue .Marcel Proust (1925)

 

Le mal n'est jamais dans l'amour.

La symphonie pastorale   André Gide  (1919)

 

Chacun de nous — ah! puissiez-vous retenir ces paroles d'un vieil ami ! — est tour à tour, de quelque manière, un criminel ou un saint, tantôt porté vers le bien, non par une judicieuse approximation de ses avantages, mais clairement et singulièrement par un élan de tout l'être, une effusion d'amour qui fait de la souffrance et du renoncement l'objet même du désir, tantôt tourmenté du goût mystérieux de l'avilissement, de la délectation au goût de cendre, le vertige de l'animalité, son incompréhensible nostalgie. Hé ! Qu'importe l'expérience accumulée depuis des siècles, de la vie morale. Qu'importe l'exemple de tant de misérables pécheurs, et de leur détresse! Oui, mon enfant, souvenez-vous. Le mal, comme le bien, est aimé pour lui-même, et servi.

Sous le soleil de Satan  de Georges Bernanos.(1926)

 

Quand on cherche des excuses, on a déjà péché dans son cœur.

La Femme du boulanger de Jean Giono . (Pièce de théatre représentée pour la première fois le 17 Mai 1944)

 

Le bonheur est une recherche. Il faut y employer l’expérience et son imagination.

Voyage en Italie de Jean Giono (1954)

 

Il y a dans la sensualité une sorte d’allégresse cosmique.

Jean le bleu de Jean Giono (1932)

 

 

Il est mauvais de penser aux hommes en fonction de leur bassesse...

- Quand on contraint une foule à vivre bas, ça ne la porte pas à penser haut. Depuis quatre cents ans, qui a "la charge de ces âmes " , comme vous disiez ? Si on ne leur enseignait pas si bien la haine, ils apprendraient peut-être mieux l'amour, non ?

Ximénès regardait les flammes lointaines :

- Avez-vous regardé les portraits ou les visages des hommes qui ont défendu les plus belles causes ? Ils devraient être joyeux - ou sereins, au moins... Leur première expression, c'est toujours la tristesse...

L'Espoir de André Malraux(1937)

 

Etrange sensation que l'angoisse : on sent au rythme de son coeur qu'on respire mal, comme si l'on respirait avec le cœur...

La Condition humaine de André Malraux (1933)

 

J'aurai ce visage à toi seule un visage fait pour qui j'aime

J'aurai ce visage secret fait pour la vie où je l’aimais.

 

Pour toi je fermerai paisiblement mes yeux à la lumière

Ce sera l'un de ces matins où je dors plus longtemps que toi

Tu m'attendras comme tu fais souvent quand mon sommeil s'obstine

Et des volets viendront danser sur les murs et dans ta rétine

Les points d'or d'un jour commencé qui déjà caresse les toits

Tu m'attendras comme parfois quand je traîne au fond de mes brumes

Légèrement tu bougeras ta tête dans les oreillers

 

Comme tu es légère légère en ton sommeil puéril

Abandonnée et confiante abandonnée à tes périls

O léger souffle de ma vie ô douce à veiller cœur sans bruit

Émerveillé que je te garde et te regarde dans la nuit

Elsa de Louis Aragon(1959)

 

 

 

 

Proust déploie la jalousie. Gide est partisan du romantisme allemand, celui qui imagine. Classique, il repart de la base du romantisme né en Allemagne. Georges Bernanos  raconte le romantisme dans les histoires du passé, il immerge dans une famille, une petite ville, une maison. Il déploie un romantisme noir, les suicides sont systématiques dans ses œuvres. Giono écrit dans la modernité, fasciné par le cinéma, il écrit parce qu’il imagine ses pensées là sur un écran. Malraux  de la Chine à l’Allemagne fasciste jusqu’en Espagne : Le romantique révolutionnaire. Aragon le révolté qui se dévoile romantique pour sa belle Elsa, sa femme.

 

Le romantisme a conquis les siècles, des décennies, des temps et des courants littéraires. Il s’est inscrit, nous l’avons nourri à travers les écrits. De la poésie au roman, il a grandi, il a mûri.

Le romantisme c’est un sentiment, une expression, une image, une déclaration mais aussi une confession. Le romantisme s’est développé dans son sentiment, se laissant aller à exploiter l’interdit ou l’imagination d’une intimité parfois allant jusqu’entre les draps, jusqu’à l’irréparable de la perdition.

 

Le romantisme est donc toujours là, il n’a pas été qu’une période. Après chaque révolution, il y a l’amour. Après chaque cause défendue, il y a l’amour.

Alors en 2020, qu’est-ce que le romantisme peut nous apporter ou plutôt sommes-nous capable  de le renouveler après le combat ?

 

                                                                                            Christine Payot

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